Encore une visite exclusive de l’AAMA sur une base aérienne.
Pour ces lieux de l’armée de l’Air et de l’Espace, comme celles de la base 113 de Saint-Dizier à deux reprises, ou de la base 702 d’Avord, c’est notre secrétaire général Charles Lokbani qui les organise et c’est lui qu’il convient de remercier.
Ce mercredi 27 mars 2024, 25 membres de l’AAMA se sont retrouvés devant l’entrée de la base aérienne 105 d’Evreux-Fauville Commandant Viot.
Pour nos allécher, les deux vedettes historiques que nous allions visiter se découvraient derrière le grillage.
Nous aurions cru lors de nos arrivées que le temps était clément, mais hélas nous avons été cueillis par un vent froid et violent et par une virulente pluie normande qui a certes un peu perturbé la visite extérieure, sans toutefois la gâcher.
Une fois les très stricts contrôles d’accès passés, nous avons été très cordialement accueillis par plusieurs membres du personnel de la base.
Ensuite, nous avons d’abord traversé en car cet immense domaine de 720 hectares, ceint de 14 kilomètres de clôture.
Nous avons pris place dans une salle où une conférence nous a été donnée par l’adjointe au colonel Christophe Piubeni commandant cette base, la lieutenant-colonel Magalie Delbosc.
Pour des raisons de confidentialités, nous ne pouvons mettre de photo des militaires.
La BA 105 Commandant Viot assure de multiples fonctions, bien au-delà d’une simple base aérienne. A l’heure actuelle, environ 2 400 personnes y travaillent, elle constitue même le premier employeur du département de l’Eure. Ses activités se répartissent en plusieurs branches bien distinctes.
Tout d’abord la DMD 27, c’est-à-dire la Délégation Militaire Départementale de l’Eure. Cette entité est responsable de la zone territoriale militaire, rattachée à la zone de défense Ouest basée à Rennes. Le délégué militaire départemental est le premier point de contact au niveau local. Il apporte des informations sur l’ensemble des questions défense et facilite la prise de contact avec les autorités compétentes (Défense, Éducation nationale, préfecture…). Il entretien une liaison permanente avec les forces de sécurité intérieure.
Sous nouveau format d’organigramme BA24, la base aérienne en tant que telle remplit de multiples rôles.
Transport aérien militaire : sont basés à Evreux des CASA CN-235 (affectueusement surnommés Transallito) de la 64e escadre de transport qui assure diverses missions de transport de fret à caractère militaire.
Nous trouvons aussi les Lockheed C-130J Hercules de l’escadron franco-allemand qui s’est installé en mars 2022.
Rôle de renseignement, surveillance et reconnaissance : depuis l’arrêt en 2022 des C-160 Transall GABRIEL (Groupement Aérien de Brouillage, Recherche et Identification Electronique), dont un exemplaire est au Musée de l’Air, de l’escadron électronique aéroporté EEA 1/54 Dunkerque, cette mission est (partiellement) assurée par des appareils légers Beech King Air 350 modifiés ALSR (Avion Léger de Surveillance et de Renseignement) alias VADOR (Vecteur Aéroporté de Désignation, d’Observation et de Reconnaissance).
Cette unité est partie pour Cognac. La base d’Evreux est dans l’attente du matériel de la génération suivante, les Dassault Falcon 8X ARCHANGE ( Avion de Renseignement à CHArge utile de Nouvelle GEnération) dont la première machine, sur les trois programmées, est prévue en 2025.
Escadre aérienne de commandement et de conduite projetable (EAC2P), représentant quelques 600 personnes, ayant à disposition des systèmes d’information et de communication avec des unités se trouvant en opérations extérieures au territoire, chargée aussi du contrôle de l’espace aérien (fortement équipée d’ordinateurs, téléphones, radios, radars…).
Permanence Opérationnelle (PO) pour la sécurité du territoire : la BA 105 est un des cinq plots de la PO. Des avions de chasse sont en alerte permanente, assurant la mission de police du ciel et assistance pour toute la zone ouest.
Lien avec la dissuasion nucléaire : la base d’Evreux est utilisable à tout moment par les avions ravitailleurs Boeing KC-135 (en cours de retrait) et Airbus A330 MRTT Phénix.
Groupement Aérien Mixte 56 Vaucluse : cette unité de l’armée de l’Air et de l’Espace assure le transport et les liaisons de la DGSE. Elle est dotée de matériels divers (hélicoptères lourds Airbus Helicopters H225M Caracal, Boeing C-130 Hercules, de Havilland Canada DHC-6 Twin Otter) pour des missions évidemment secrètes…
En outre, cette grande base est sollicitée lors de grands événements, grâce notamment à sa capacité d’accueil et sa piste de 3 000 mètres (la seconde de France à titre militaire après celle d’Istres et ses 5 000 mètres).
Exemple : hébergement de nombreux aéronefs, jusqu’à une soixantaine, dont la Patrouille de France lors du défilé aérien du 14 juillet.
Cette année 2024, elle sera sollicitée pour participer à 190 événements liés aux commémorations du 80e anniversaire du Débarquement et de la Libération de la Normandie.
De même, d’avril à septembre, la base se tiendra en alerte maximum lors de la préparation et du déroulement des Jeux Olympiques et Paralympiques.
Madame la colonel est très fière de sa base, mais est bien consciente de l’état de nombreux bâtiments anciens qui se dégradent. Les crédits de fonctionnement, limités à 4 M€, laissent certains chantiers en attente. Elle précise qu’elle a tout de même obtenu une rallonge de 800 000 € accordée par le ministre des Armées.
Après ce passionnant exposé, nous avons retraversé en car tout le terrain afin de nous retrouver vers l’entrée, pour la visite exceptionnelle de deux avions.
Notre groupe s’est alors scindé en deux afin de visiter alternativement chacun des deux appareils présentés.
Tout d’abord (au cœur d’une pelouse gorgée d’eau !) nous visitons un C160 Transall NG superbement conservé, tant extérieur qu’intérieur.
Un navigateur et un mécanicien navigant ayant volé sur la machine nous accueillent à bord pour nous fournir toutes les explications souhaitées.
A noter qu’ils nous ont indiqué avoir installé un système de ventilation très astucieux expliquant la superbe condition intérieure de la machine : un ventilateur branché sur le réseau électrique de la base est connecté sur le système de conditionnement d’air de l’avion. L’ensemble a été étudié et réalisé en répondant aux normes civiles. A méditer pour les avions du Musée de l’Air ?
Evidemment, le plaisir extrême de prendre place sur les sièges de l’équipage nous était offert. Nos membres ne se sont pas gênés pour en profiter et écouter les précisions apportées par le personnel de l’armée de l’Air.
En sortant de l’appareil, nos Amis étaient ravis de cette présentation et ça se voyait sur leur visage !
Environ 200 mètres plus loin, nous voici devant un Breguet 765 Deux-Ponts. Cet avion a échappé au ferraillage grâce à une valeureuse association fondée en 1997 qui, en forme de jeu de mots, s’est intitulée Le Deux Ponts de l’Eure.
Ce sont plusieurs de ses membres, dont leur président Patrice Le Mao (colonel de l’armée de l’Air à la retraite), qui nous accueillent à bord, au pont inférieur pour commencer. Ce dernier nous montre un film retraçant le sauvetage de cette rare machine.
Ce Breguet 765 Sahara n°501 a effectué son premier vol en septembre 1958. Il a servi au sein de l’escadron de transport Maine qui se trouvait sur la base aérienne du Bourget, avant d’arriver à Evreux en 1967.
Sur les douze Breguet 763 Provence exploités par Air France, six sont revendus à l’armée de l’Air qui commande ensuite quatre Breguet 765 Sahara. Cette version militaire diffère principalement par une autonomie accrue (réservoirs en bout d’aile). Les Deux-Ponts ont été retirés du service en 1972.
Lorsque l’association l’a pris en charge en 1997, il était dans un état pitoyable. Le travail accompli a été prodigieux et a demandé des années d’efforts pour de nombreux bénévoles qui méritent d’être salués.
Ils ont dû reconstituer les planchers qui n’étaient plus que des passoires, remplacer les hublots et d’innombrables pièces.
Un escalier de dix marches nous mène au pont supérieur, surnommé première classe.
Là aussi des bénévoles de l’association Le Deux Ponts de l’Eure, nous montrent les actions remarquables déjà réalisées sur le Breguet et tout ce qui reste à faire.
Le pont supérieur nous amène au poste de pilotage qui était proprement dévasté et qui a eu droit à une réhabilitation totale. Remise en place d’instruments, fabrication unique de certain d’entre eux, jusqu’aux deux magnifiques volants usinés spécialement qui trônent fièrement dans le cockpit. A remarquer que les sièges du pilote et du copilote proviennent d’un Mystère 20.
De très importants travaux extérieurs ont également été exécutés, comprenant la remise en état ou de fabrication de nombreuses pièces, peinture, etc…
Il manque encore à ce vénérable Deux-Ponts ses hélices. En 2005, des factices avaient été installées, mais à la suite du don d’une vraie pale d’un Breguet en 2021, de fausses hélices physiquement identiques sont en cours de réalisation.
Nous traversons de nouveau toute la base, apercevant au passage un Nord 2501 Noratlas également bien remis en état par la même association.
Seul petit regret, n’avoir quasiment vu aucun aéronef en activité, sinon deviner dans le lointain un Hercules sur le tarmac…
Dans un autre bâtiment, nous gagnons enfin le musée. Nous y sommes reçus par Guy Suze, éminent spécialiste aéronautique de la région, qui nous fera une visite magistrale connaissant parfaitement les lieux.
Si ce musée n’est pas très vaste, il est en revanche particulièrement riche dans le nombre, la diversité et la qualité des pièces présentées.
Nous accédons à la salle principale par un couloir reconstituant la soute d’un Transall. Notre guide nous fait suivre un parcours chronologique, lié à l’histoire de cette base d’Evreux.
Ce sera du modeste aérodrome de la Première Guerre mondiale jusqu’à la base actuelle, en passant par l’occupation allemande durant le second conflit mondial et ensuite la longue présence américaine.
Situé au centre de la salle, l’avant d’un Jaguar A nous permet de détailler l’intérieur du cockpit. De même que nous retrouvons le tableau de bord du Breguet Deux-Ponts. Dans une pièce plus petite, nous voyons entre autres choses un siège éjectable, et un train principal de Mirage F1.
En dehors du domaine militaire, nous admirons un moto-planneur conçu par Georges Leroy dans les années trente. Les roues et le moteur avaient été démontés par les Allemands lors de l’occupation, afin d’éviter une évasion vers l’Angleterre.
Plans ; cartes ; photos ; gravures anciennes peuplent ce musée, de même que mannequins en uniformes ; tenues de vol ; instruments divers ; médailles ; insignes d’escadrilles ; drapeaux ; de très nombreuses et fort belles maquettes d’aéronefs et cette liste n’est pas exhaustive !
Il y aurait tant à dire sur ce musée, mais hélas, pressés par le temps, nous l’avons un peu trop vite survolé…
Cette superbe visite de la BA 105 s’achèvera par la traditionnelle photo de groupe en extérieur, devant un magnifique Jaguar A.
Nous avons remercié les autorités militaires qui nous ont reçus chaleureusement et ont répondu à… presque toutes nos questions !
Eric Le Faucheur et Alain Rolland (AAMA)
Remerciement à nos membres Eric Domage, Eric Le Faucheur, Benoît Gonsseaume, Didier Haffner, Charles Lokbani, Eric Naud et Robert Pastorelli pour leurs photos