Il y a 50 ans, pour la toute première fois, un Concorde effectuait la traversée sans escale de l’Atlantique Nord entre les Etats-Unis et la France. A l’occasion de cet événement historique dans le déroulement du programme franco-britannique du supersonique Concorde, le Musée Delta, situé en lisière de l’aéroport d’Orly, organisait une journée commémorative le 30 septembre dernier.
Les festivités se sont déroulées sous les ailes de l’avion détendeur de cette première historique : le Concorde 02 immatriculé F-WTSA soit le deuxième avion de pré-série et quatrième avion du programme.
Un peu d’histoire
Avant son long vol au-dessus de l’Atlantique, Concorde F-WTSA (« Sierra Alpha »), fraichement habillé d’une double livrée aux couleurs d’Air France, côté gauche et de British Airways, côté droit (sa livrée précédente était celle des constructeurs), fit une tournée en Amérique au départ d’Orly en passant par Las Palmas pour une escale technique, puis rejoignit Caracas capitale du Venezuela le 18 septembre 1973. Il poursuivit son voyage en se posant à Dallas – Fort Worth et enfin à Washington – Dulles.
Pour cette tournée, les équipements d’essais présents dans la cabine arrière avaient été déposés au profit de l’installation de 32 sièges confortables destinés à des passagers invités.
Le dernier vol de cette tournée fut le point d’orgue pour Concorde 02. Il eut lieu le 26 septembre 1973 sans escale entre l’aéroport Dulles de Washington et celui d’Orly de Paris en 3h33. Une première ! L’équipage, pour ce 81e vol du Sierra Alpha, était composé de Jean Franchi (commandant de bord), Gilbert Defer (co-pilote) et Yves Pingret (mécanicien navigant d’essais), (voir l’encadré plus bas)
Un peu de technique
Concorde 02 est, au point de vue de ses caractéristiques générales, le tout premier appareil du programme à préfigurer l’avion de série en termes d’aérodynamique générale et de propulsion. Extérieurement, c’est au niveau de la pointe arrière nettement plus effilée qu’il diffère le plus des avions précédents. Il est en effet identique aux avions de série en ce qui concerne le fuselage, la voilure, la dérive et les nacelles motrices (voir l’encadré).
La journée de célébration
Plusieurs associations et des passionnés du « pointu » se sont retrouvés nombreux au Musée Delta pour l’occasion. Et dans l’assistance, nous avons relevé la venue d’anciens pilotes et de PNC Concorde d’Air France. Pour revivre la tournée du 02 en Amérique, une vidéo a été projetée dans le musée (film promotionnel de l’époque produit par l’Aérospatiale avec des images d’Air France, de l’ORTF et de l’Aérospatiale).
Les principales évolutions techniques de Concorde 02 par rapport aux prototypes
– Nouvelle géométrie de la pointe arrière du fuselage, effilée et relevée (la longueur totale de l’appareil est portée à 62,19 m soit 5,95 m de plus que
les prototypes).
– Optimisation du dessin des bords d’attaque et des extrémités de voilure.
– Suppression de l’escalier ventral type Caravelle placé à l’arrière du fuselage.
– Suppression des deux aérofreins à l’arrière du fuselage, remplacés par le passage en reverse en vol des deux réacteurs internes.
– Remplacement de l’atterrisseur arrière à patin métallique sous la pointe arrière par une roulette de queue à deux roues.
– Installation de nouvelles tuyères à reverse aval (TRA) type 28 en sortie des moteurs composées d’un jeu de deux paupières pivotantes, utilisées
partiellement lors du décollage et complétement lors du freinage sur la piste comme inverseur de poussée.
– Introduction de la nouvelle version du moteur Olympus 593 : le Mk.602 (poussée augmentée, réduction de l’émission de fumée et du niveau sonore).
– Evolution de la visière de nez escamotable qui devient totalement vitrée (*)
– Ajout d’une porte de soute latérale côté droit à l’arrière du fuselage (*)
– Introduction de freins à disques en carbone au cours de la campagne d’essais.
(*) déjà présentes sur le Concorde 01 G-AXDN (premier avion de pré-série, assemblé en Grande-Bretagne)
Quelques dates de la vie de Concorde 02
10/01/1973 : premier vol (Toulouse-Blagnac / Toulouse-Blagnac). Jean Franchi (commandant de bord), Jean Pinet (co-pilote). Vitesse maximale de Mach 0,92.
12/01/1973 : second vol, Sierra Alpha devient supersonique en atteignant Mach 1,25.
30/01/1973 : vol n°8, Sierra Alpha atteint Mach 2.
Août-Sept 1973 : l’avion est peint aux couleurs des deux futures compagnies utilisatrices (côté droit : British Airways et côté gauche : Air France).
26/09/1973 : vol n°81, Sierra Alpha effectue la première traversée transatlantique sans escale d’un Concorde avec le vol Washington-Dulles / Paris-Orly. Distance parcourue 6260 km, temps bloc 3h47, temps de vol 3h33 dont 2h42 en supersonique.
20/05/1976 : vol n°314, Sierra Alpha effectue son dernier vol (Toulouse-Blagnac / Paris-Orly). Jean Franchi (commandant de bord), Gilbert Defer (co-pilote).
12/04/1988 : le Concorde 02 est transféré en zone Sud de la plateforme d’Orly au bout de la piste n°2 sur le site qui deviendra le Musée Delta.
Tout au long de la journée, le public présent a pu visiter l’intérieur du Sierra Alpha et assister à des démonstrations de la manœuvre du nez : visière escamotée et nez abaissé (à un angle de 5 degrés 1) qui permettaient de découvrir les deux pare-brises du poste de pilotage. Cette descente-remontée du nez, rendue possible grâce aux membres de l’association Athis-Paray Aviation, est exceptionnelle. En effet, le Sierra-Alpha est aujourd’hui un des rares Concorde à montrer au public le mouvement de son nez.
Le Sierra Alpha a tiré sa révérence le 20 mai 1976 après 656 heures de vol dont 280 heures en supersonique (voir l’encadré). Parmi tous les Concorde, c’est l’appareil qui a eu la vie la plus courte : 3 ans et 5 mois.
Note :
1. En opération, le nez était positionné à 5 degrés pour le roulage, le décollage et l’approche intermédiaire, et à 12,5 degrés pour l’approche finale et l’atterrissage (l’assiette de l’avion en finale étant de 11 degrés).
Texte et photos :
Philippe Picherit et Christian Leblanc (AAMA)
Les deux exemplaires de Concorde exposés au Musée de l’Air et de l’Espace au Bourget
Le Hall Concorde présente le premier prototype, le numéro 001, F-WTSS aux couleurs des constructeurs Aérospatiale et British Aircraft Corporation (812 heures de vol, arrivé au musée le 19/10/1973) ainsi qu’un avion de série, le numéro 213, F-BTSD qui fut exploité par Air France (12976 heures de vol, arrivé au musée le 14/06/2003).