Visite exclusive de l’AAMA à la soufflerie Eiffel

Nullement envisagée auparavant, notre vice-président Jean-François Louis a saisi une belle opportunité à l’occasion du centenaire de la disparition de Gustave Eiffel (27 décembre 1923) et lancé une visite exclusive en décembre.

Elle paraissait moins aéronautique que les autres : la soufflerie Eiffel à Auteuil dans le XVIe arrondissement de Paris.

Pourtant ce fut un gros succès avec 47 membres AAMA qui se sont inscrits, pour 20 places initialement prévues, bien que pour la première fois cette visite fût payante. L’AAMA ne faisant aucun bénéfice sur cette opération.

Jean-François Louis a joué de sa diplomatie pour doubler la jauge en deux groupes distincts, afin d’avoir le maximum d’adhérents admis et ce fut une réussite. Nous pouvons le remercier.

Le rendez-vous était donné dans cet endroit qui passe inaperçu de nos jours, acheté par Gustave Eiffel en 1912 pour y installer : le laboratoire aérodynamique Eiffel.

Nos membres sont arrivés progressivement et pour être facilement repérée notre vice-président Frédéric Buczko était positionné à la porte d’entrée.

A l’intérieur ils étaient reçus par Jean-François Louis qui a méthodiquement pointé les arrivées et récolté les règlements.

Déjà dans cette pièce, qui fut agrandie en supprimant le mur séparant l’entrée et le local de la concierge, plusieurs objets préservés étaient à la vue des visiteurs. Citons en particulier le bureau sur lequel Gustave Eiffel travailla à la fin de sa vie.

Il y avait également les œuvres photographiques d’Axel Ruhomaully qu’il a réalisées spécialement pour ce centenaire. L’artiste avait exposé des œuvres sur la mécanique au Musée de l’Air en 2021.

Une fois tout le monde réuni, Jean-François Louis a souhaité la bienvenue à nos membres, a expliqué le déroulement de la visite et présenté le directeur de l’établissement, Jean-Marie Franco.

Ensuite notre groupe au complet a été formidablement accueilli par Monsieur Martin Peter, qui intégra l’entreprise en 1959 pour en devenir le directeur et propriétaire du fonds en 1983, le bâtiment restant au sein du GIFAS.

En 2001, il céda au CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) la société Aérodynamique Eiffel en même temps que le GIFAS cédait les murs.

Conscient de la valeur patrimoniale de la soufflerie et afin de sauvegarder la mémoire de l’illustre Gustave Eiffel, il obtiendra en 1984 l’inscription de l’édifice à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques ainsi qu’en 1997 des systèmes techniques encore exposés.

Martin Peter, conservera tout de même une activité dans ce lieu en tant que conservateur des archives et pour valoriser les travaux de Gustave Eiffel. Comme son illustre prédécesseur, il bénéficie toujours d’un bureau et d’une clef pour pénétrer à toute heure dans les lieux.

La première partie de la visite était assurée par Martin Peter qui exposait la vie et les recherches de Gustave Eiffel.

Tout le monde le connaît pour sa célèbre Tour, inaugurée en 1889, devenue un symbole de Paris, mais moins connaissent qu’il a apporté une aide précieuse aux constructeurs d’avions au début du XXe siècle. Ce domaine que nous apprécions particulièrement a bien été développé.

Mais avant, afin que sa Tour si décriée ne soit démontée, lorsqu’il n’en aurait plus la jouissance à partir de 1910, Gustave Eiffel installa un laboratoire météorologique au sommet en 1898.

Remarquant que les relevés, dans plusieurs points en France, étaient sous forme de tableau et sans unités de mesure communes et cohérentes, il normalisa les méthodes et produisit les résultats sous forme de courbes. Procédures qui furent adoptées dans le monde entier.

Gustave Eiffel commença à étudier les effets du vent lors de la construction de la Tour, il poursuivit en réalisant, depuis le premier étage, des mesures de la traînée aérodynamique avec un montage en mode chute libre, conservé dans le laboratoire.

Après une première soufflerie au Champs-de-Mars en 1909, il construisit celle d’Auteuil en 1912 et au bout de deux mois seulement la turbine était mise en route ! Et elle peut produire des flux jusqu’à 100 km/h, étant toujours en activité !

Notre interlocuteur a précisé que l’innovation majeure de Gustave Eiffel, fut qu’au lieu de souffler l’air vers l’objet de l’expérimentation, l’air est aspiré à travers un collecteur avant de passer autour du corps à tester puis termine sa course dans le diffuseur.

Gustave Eiffel apporta de nombreuses avancées dans l’aérodynamique, en démontrant les propriétés des profils qui donnèrent des résultats représentés par une courbe appelée polaire. Tous les constructeurs aéronautiques sont passés par son laboratoire. A remarquer qu’il publiait ses résultats sans contrepartie financière.

Martin Peter annonça même que le général Pierre Lissarrague, directeur du musée de l’Air de 1972 à 1985, était venu à la soufflerie pour recueillir des informations sur l’avion LE (Laboratoire Eiffel), le seul découlant des recherches d’Eiffel (cf Pégase 49 de 1988).

Pégase n°49

Notre hôte n’a pas passé sous silence les déboires rencontrés par Gustave Eiffel lors du scandale du canal de Panama. Il a précisé que l’ingénieur n’était que contractant pour la fabrication des énormes écluses prévues pour le projet et qu’il avait rempli ses engagements.

Martin Peter s’est réjoui de terminer sur un objet que nos membres n’avaient pas remarqué, une balance aérodynamique utilisée par Gustave Eiffel, qui paraît sommaire mais dont les résultats furent corroborés par la suite, et qui échappa à la destruction.


La seconde partie de la visite se déroulait sous la conduite de Jean-Marie Franco, directeur opérationnel, dans la partie technique, tout en étant aussi passionnante.

De nombreuses maquettes sont disséminées, montrant les essais dans plusieurs domaines, l’aéronautique, l’automobile et le bâtiment…

Il y eu même des études sur les cheminées et plus curieux, sur des balles de tennis avec le grand tennisman René Lacoste !

Aux quatre coins du hall, de nombreux objets techniques datant d’un siècle sont exposés. Citons en plus des différents sectionneurs par-ci par-là : le transformateur passant le courant alternatif en courant continu ; le moteur d’origine de la turbine ou le panneau de contrôle la turbine qui fut manipulé par Gustave Eiffel en personne.

Après un premier exposé devant l’appareil de chute, Jean-Marie Franco a poursuivi sous l’immense entrée d’air du collecteur de la soufflerie.

Il a expliqué que la structure était d’origine et que les grilles d’entrée ont été changées. Il a ajouté que le revêtement est entoilé, comme les aéroplanes des débuts de l’aviation, et que c’est un entoileur de l’Amicale Jean-Baptiste Salis qui effectue les réparations ou rajouts éventuels.

Progressant plus loin dans le bâtiment, nos membres ont découvert la partie côté diffuseur encore plus imposante et l’ancienne distribution électrique. Le directeur a souligné que le laboratoire était, dans le quartier, presque le seul à être raccordé à l’électricité et que les écoles proches avaient demandé à Gustave Eiffel si elles pouvaient profiter de cette énergie pour leurs séances de cinéma. Il n’hésita pas et avec ses employés les relia à l’établissement.

Quelques mètres plus loin se dévoilait la turbine de la soufflerie. Jean-Marie Franco a indiqué qu’elle est d’origine et que ce n’était que la troisième courroie, de confection moderne, qui était installée, la première étant en cuir. Il a précisé que même les silent blocs étaient d’origine, accusant tout de même leur âge.

Montant à l’étage, nos Amis avaient une superbe vue globale sur cette soufflerie, n’hésitant pas à prendre de nombreux clichés. Le directeur en a profité pour nous montrer un plan d’origine sur lequel était dessiné une deuxième soufflerie, enlevée par la suite.

Cerise sur le gâteau, nos deux groupes ont eu le privilège d’assister à la mise en route de la soufflerie depuis la salle d’expériences comme pouvait le faire Gustave Eiffel.

C’est Jean-Marie Franco, qui après avoir fait un topo sur ce qui allait se passer, a lancé progressivement la turbine sur un pupitre beaucoup plus contemporain qu’il y a cent ans.

Avec l’accord du directeur, nos membres se sont pressés près de la table d’expérimentation, où se trouvait une maquette de winglet pour une future démonstration à des étudiants. Un jeune ingénieur du laboratoire a répondu aux nombreuses questions qui titillaient nos Amis.

Comme cet étrange bloc au-dessus de la table, qui est un générateur de faisceau laser servant à mieux visualiser les filets d’air dans une atmosphère saturée par des fumigènes.

Certes la puissance n’était pas au maximum, qui est de seulement 300 tr/min !

Mais entendre le son de la turbine aspirant l’air interne du bâtiment, sans que le bruit ne dérange les voisins, était magique.

Se positionner à 30 cm de la table et ne rien ressentir de la veine d’air était époustouflant.

Se pencher légèrement pour voir l’intérieur de cette vénérable soufflerie était éblouissant.

Il était émouvant de déambuler dans ces lieux où Gustave Eiffel et tant d’autres personnalités connues de l’aéronautique, de l’automobile ou autres sont passés et ont vu ce que nous avons admiré.

Frédéric Buczko (AAMA)

Remerciement pour les photos à nos membres Frédéric Boderlique, Eric Naud et René Protois.

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