Visite exclusive AAMA de la Caravelle et du Mercure au Musée de l’Air

Nouvelle et magnifique visite exclusive de l’AAMA en ce lundi 25 avril 2022. Une visite consacrée à deux avions commerciaux français qui ornent le tarmac du Musée de l’air et de l’Espace : la Caravelle 12 aux couleurs d’Air Provence et le Mercure d’Air Inter.

Il convient de remercier le Musée pour cet accès exceptionnel offert à une vingtaine de nos adhérents, qui plus est, le jour hebdomadaire de fermeture.

Sans oublier Madame Yu Zhang, responsable de la communication et des publications, qui a suivi (et filmé !) notre périple, ainsi que les bénévoles de l’association IT Mercure et naturellement notre vice-président Jean-François Louis, organisateur de cette visite.

 

Après un briefing au Mercure par Jean-François Louis, nous allons nous scinder en deux groupes de 10, visitant alternativement chacun des deux avions.

Jean-François Louis et Jacques Julien

Jean-François Louis et Jacques Julien

Évoquons tout d’abord la Caravelle, que vont nous présenter nos Amis Jacques Julien, ancien d’UTA et rédacteur adjoint de Pégase, au pied de l’appareil, assisté de Jean-François Louis et de Pierre Grange, également président de l’APCOS, dans le poste de pilotage.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’avionneur britannique De Havilland ouvrit la voie de l’aviation commerciale à réaction avec son quadriréacteur moyen/long-courrier : le Comet.

À la fin des années 1950, les Américains emboîtent le pas aux Anglais avec leur Boeing 707. Cet appareil, quadriréacteur et surnommé Intercontinental, fut le premier vrai succès commercial de l’aviation commerciale américaine de l’après-guerre.

Pendant ce temps-là, la France et son industrie aéronautique se relèvent des dégâts provoqués par l’Occupation allemande. Les projets d’avant-guerre sont ressortis à la hâte, de même que ceux menés clandestinement pendant la guerre.

Mais le premier sursaut de cette industrie en reprise prend ses bases sur les restes laissés par l’industrie allemande implantée en France. Les usines précédemment occupées sont remises en ordre de marche, et sortent des modèles allemands rebadgés français en utilisant l’outillage et les pièces laissés par l’occupant.

Le rachat de licences, notamment outre-Manche, permet aux français de franchir plus rapidement que prévu certains jalons importants pour la conception d’avions modernes.

 

Ce fut le cas pour le SNCASE SE.535 Mistral qui n’était autre qu’une licence achetée aux Britanniques pour leur chasseur monoréacteur De Havilland Vampire.

En parallèle, les industriels ne manquaient pas d’idées afin de doter la France d’un avion de ligne à réaction court-moyen-courrier. Ce sera la Caravelle, imaginée par la Société Nationale des Constructions Aéronautiques du Sud Est (SNCASE qui deviendra après sa fusion avec la SNCASO en 1957, la société Sud-Aviation).

Le concept est entièrement nouveau : les réacteurs sont disposés dans des nacelles à l’arrière du fuselage. Cela permit la réalisation d’une aile dégagée de tout pylône, la rendant aérodynamiquement pure et conférant à l’appareil une finesse d’environ 22 (souvenons-nous du Paris-Dijon en vol plané le 15 avril 1959). L’absence de nacelle sous voilure permet de réduire significativement la garde au sol de l’appareil, autorisant ainsi l’utilisation d’un escalier arrière escamotable.

Le placement des moteurs à l’arrière de la cabine permet également de réduire les risques d’ingestion de débris, ainsi que les dommages en cas de feu réacteur, mais surtout permet de réduire fortement le bruit en cabine.

Afin de gagner du temps sur la conception de l’appareil, la SNCASE emprunte au De Havilland Comet l’ensemble de la pointe avant.

Toujours pour gagner du temps, un moteur déjà disponible est choisi : le turboréacteur Avon de chez Rolls-Royce.

Le prototype de la Caravelle effectua son premier vol à Toulouse le 27 mai 1955. En 1959, Air France mettra en service la première Caravelle 1, bientôt suivie par SAS et Finnair qui seront les premières compagnies étrangères à exploiter l’appareil.

La Caravelle évoluera au fil des ans, connaissant un certain nombre de versions, numérotées de 1A, jusqu’à la 12 que nous avons sous les yeux, qui volera à partir de 1970.

Cette version sera de loin la plus longue de toutes (36 mètres), affichant une masse au décollage de 58 tonnes (contre 41 tonnes pour les prototypes). La cellule avion ne connaîtra que peu de modifications, à la notable exception des réacteurs dont la poussée augmentera à chaque nouvelle version. La production s’arrêtera en 1973.

On a souvent dit que la Caravelle n’avait pas remporté un grand succès commercial. Et pourtant 280 appareils, toutes versions confondues, se sont vendus de par le monde, ce qui constitue un exploit pour une industrie se relevant des dommages du second conflit mondial. Ce volume d’avions vendu est d’autant plus exceptionnel du fait que dans les années 1960, le trafic aérien n’était pas aussi développé que de nos jours.

Le Boeing 727, appareil triréacteur version cargo, exploité par FedEx et le Mystère XX

 

Le concept des deux moteurs à l’arrière du fuselage sera utilisé sur de nombreux appareils, notamment américains, tels que le Douglas DC-9 ou le Boeing 727 (formule triréacteur, avec deux moteurs en nacelle arrière).

Cette architecture sera aussi très utilisée sur les jets d’affaires, comme le Mystère XX, dont la garde au sol doit être très faible pour simplifier les opérations aéroportuaires.

Ces machines se trouvent exposées au Musée de l’Air.

La Caravelle demeurera pendant longtemps un emblème du savoir-faire français et constituera une fierté nationale… même pour les gens ne l’ayant jamais prise.

L’exploitation des Caravelle cessera graduellement dans le courant des années 90 selon les pays et les compagnies. Certaines voleront néanmoins à l’étranger au-delà de l’an 2000, un bel exemple de longévité !

 

Ces éléments historiques du programme Caravelle en tête, nous grimpons à l’intérieur de l’appareil du Musée, empruntant pour ce faire la petite passerelle escamotable située à l’arrière, point fort de la Caravelle lors de son exploitation.

L’intérieur de ce modèle, le 273e produit, utilisé par Air Provence est dans le même état qu’à son arrivée en vol au Bourget le 27 novembre 1995.

On croirait la cabine, avec cinq sièges de front, tout à fait prête à accueillir ses passagers.

Des passagers qui par le passé appréciaient le confort et le silence de cet avion, sauf peut-être ceux placés tout à l’arrière, plus proches des réacteurs.

 

En tout cas, les passagers disposaient d’une vue bien plus dégagée que sur les appareils de la même génération grâce aux hublots en poire, qui permettaient d’avoir une plus grande surface que les traditionnels ronds ou ovales, en supportant bien les contraintes liées à la pressurisation de la cabine.

Pierre Grange au poste du commandant de bord

Nous retrouvons Pierre Grange dans l’exigu poste de pilotage, dans lequel nous serons quelque peu à l’étroit. La Caravelle se pilotait à deux, ou trois selon les versions ou les compagnies.

Pierre Grange vola entre autres sur Caravelle et connu une exceptionnelle carrière à Air France, devenant même commandant de bord sur Concorde.

Pour cette époque déjà lointaine, pas d’écran ni de joystick, mais une forêt de boutons et de cadrans. Une ergonomie un peu étrange et complexe qui veut qu’au fil des progrès technologiques, on ajoutât çà et là de nouvelles manettes, de nouveaux cadrans… Notre Ami, en passionné, nous détaillera toutes les commandes.


J-F Louis sur l’escalier. A la droite P. Jean Loisel et C. Fauchet

 

Passons à présent au Mercure.

 

Nous sommes très cordialement accueillis par deux bénévoles de nos confrères d’IT Mercure, Pierre Jean Loisel, ancien pilote de Mercure, et Christian Fauchet son président. Cette association fut créée pour sauvegarder et entretenir cet appareil exposé au Musée de l’Air.

Christian Fauchet nous explique la genèse et la carrière de l’avion.

Au début des années 70, Dassault ressent le besoin de rééquilibrer la part de ses activités d’aviation civile avec ses activités militaires ; qui représentait une grande partie du chiffre d’affaires de la maison au sortir de la guerre des Six Jours. Ainsi, le constructeur se lance dans l’aviation commerciale en construisant ce biréacteur qu’est le Mercure. D’un rayon d’action d’environ 2000 km, pouvant contenir jusqu’à 150 passagers, il se positionne sur le segment des court-courriers et a pour concurrent principal le Boeing 737 américain, équipé de la même motorisation (Pratt & Whitney JT8D).

Le prototype effectuera son premier vol le 28 mai 1971 depuis Mérignac. Hélas, cet excellent avion, apprécié des passagers comme des navigants, ne connaîtra pas le succès qu’il méritait. Il ne se vendra en effet qu’à onze exemplaires, dont un des deux prototypes mis au standard de série, exclusivement à la compagnie Air Inter.

Le Mercure est arrivé sur le marché au mauvais moment, celui du choc pétrolier des années 70. Ajoutons-y à l’époque les dévaluations du dollar, l’inflation en Europe, et son manque de polyvalence face au Boeing 737 qui a l’avantage d’avoir un rayon d’action plus élevé (et aussi l’avantage d’être vendu en dollars et non en francs…).

La chaîne de production s’arrête prématurément, en décembre 1975 et Air Inter cessera l’exploitation de ses Mercures le 29 avril 1995.

Si Dassault ne renouvellera pas l’expérience des avions de ligne, il se consolera largement dans l’aviation d’affaires, avec le succès jamais démenti de toute la gamme Falcon.

Plusieurs Mercure seront démantelés. Un sera offert à l’École Supérieure des Métiers de l’Aéronautique (ESMA) et le 4e de la série au Musée de l’Air et de l’Espace.

Notre guide nous explique que s’il est formidable de recevoir un tel don pour le Musée, le plus difficile est de le maintenir en bon état de conservation. L’intérieur peut se dégrader très vite.

Du fait de la condensation, des moisissures apparaissent, les hublots peuvent se craqueler…

Un groupe de parc (GPU) placé au pied de l’appareil permet de maintenir une température constante ainsi que l’alimentation en électricité de la cabine et du poste de pilotage.

Les bénévoles d’IT Mercure se sont attelés à la tâche pour entretenir du mieux possible cet avion, et le résultat est remarquable !

 

Nous le constatons en y pénétrant par la porte arrière. La cabine est en parfait état.

S’agissant des sièges (six de front) ceux-ci sont encore garnis de leur tissu d’origine, c’est dire leur qualité, mais aussi leur fragilité actuelle.

 

Nous atteignons le poste de pilotage, où Pierre Jean Loisel nous expose les commandes de vol et de navigation.

 

Plus d’automatisation et de modernisme que dans la Caravelle bien évidemment, une meilleure ergonomie, mais toujours une forêt de cadrans (les écrans, ça sera pour la génération d’après, avec l’Airbus A320…).

 

 

A noter que quelques instruments sont également exposés.

Nous achèverons cette superbe visite par la traditionnelle photo de groupe, prise au pied du Mercure.

Cette visite, à laquelle nous avons fait appel à quelques-uns de nos membres et à nos confrères d’IT Mercure, restera comme un rendez-vous exceptionnel.

Eric Le Faucheur et Dénys Karakaya (AAMA)

Remerciement particulier à Jean-François Louis.

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