Depuis plusieurs années, le Musée de l’Air et de l’Espace, musée technique par naissance, ouvre ses portes à des artistes.
En 2017, ce fut Latitude 48.9333 de Pascale et Damien Peyret ; en 2019 l’exposition La légende des cieux de l’artiste Christian Guémy et en 2021, c’est le photographe Axel Ruhomaully qui s’est installé au Bourget avec l’exposition Bijoux de mécanique.
Une nouvelle étape a été franchie avec une résidence de deux artistes au Musée de l’Air, à partir de juillet 2022, Charlotte Charbonnel et Olivier Sévère.
Pour la journée du vernissage, les invités étaient conviés dans le magnifique salon Dollfus, avec vue sur le tarmac du Musée où trônait en solitaire l’Airbus A380, les autres appareils ayant laissé la place au salon du Bourget, dont les chalets se montent déjà.
La directrice du Musée de l’Air Anne-Catherine Robert-Hauglustaine expliqua l’élaboration du projet et la coopération entre les artistes et les équipes du Musée.
Comme ils le raconteront lors de cette journée, ils ont découvert le Musée de l’Air, lieu totalement inconnu pour eux, et petit à petit accompagnés par des personnes du Musée, en allant dans les réserves les plus secrètes, les objets éveillèrent leurs curiosités et leurs sens artistiques.
Après leur travail, le moment était venu d’offrir le résultat aux visiteurs dans cette salle très obscure, qui accentue l’ambiance énigmatique.
L’exposition est nommée : mA, l’Air comme matière.
Elle dévoile des compositions de Charlotte Charbonnel et Olivier Sévère, communes et individuelles.
Elle est aussi parsemée d’objets des collections du Musée qui les ont intrigués, comme cette ébauche d’hélice Levasseur de 1910 et cet indicateur Etevé de la Première Guerre mondiale.
Ou d’autres qui font écho à l’inspiration des artistes.
Le plus impressionnant, surtout pour les fanatiques aéronautiques dont nous faisons partie, est l’œuvre qui utilise des jeux de lumière projetés dans de voluptueuses vagues lumineuses, sur une grande carte en résine et en relief sortie des réserves du Musée.
Elle représente l’image que voyaient les pilotes sur le scope de leur radar et l’impression qu’ils pouvaient ressentir.
Cette carte assemblée de plusieurs pièces (50cm x 50cm) représentant une zone d’Europe centrale au 1/100 000e, provient à l’origine du Centre de Prédiction et d’Instruction Radar (CIPR) de l’armée de l’Air.
Elle, et 250 autres, furent utilisées pendant la guerre froide afin de préparer des vols de pénétration à très basse altitude.
Elles permettaient d’obtenir des prédictions radar et servirent à partir de 1967 jusqu’aux années 1980 à la base de Luxeuil. S’assemblant selon les besoins, elles couvraient les zones, d’entraînement ou opérationnelles au dessus de l’Europe centrale, pouvant être survolées lors de ces missions de pénétration à très basse altitude.
Pour les missions, ces cartes en résine synthétique, renforcée de tiges métalliques pour les plus grands reliefs qui étaient très exagérés, étaient assemblées sous un banc photographique permettant d’obtenir des images radar artificielles : les prédictions radar.
Ensuite était confectionné un carnet de vol spécifique, le déplinav, utilisé à bord d’un Mystère XX modifié pour l’entraînement ou de Mirage III E pour des missions de pénétration à basse altitude.
Les pilotes évoluaient près du sol, 150/300m pour éviter les radars, à des vitesses de 775 km/h. Pour la navigation, ils se servaient de leur altimètre et l’image du radar de bord qu’ils comparaient avec les prédictions de leur déplinav.
Après plus d’une heure de déambulation avec Charlotte Charbonnel et Olivier Sévère, qui répondaient aux interrogations des invités, tout le monde est retourné dans le salon Dollfus pour terminer cette journée.
Voir ces objets sortis des limbes des réserves du Musée, est une curiosité exceptionnelle à ne pas manquer.
L’exposition est autant une découverte artistique que technique, donc a visiter.
Vous avez jusqu’au 3 septembre 2023 pour le faire !
Frédéric Buczko (AAMA)