Le mercredi 15 mars 2023 nous étions une quinzaine de membres de l’AAMA à être cordialement accueillis par nos amis des Ailes Anciennes, dans leurs ateliers de Dugny.
Avec au programme une visite exceptionnelle consacrée à cet avion peu banal qu’était le SE-5003 Baroudeur.
Notre ancien président Alain Rolland allait tout d’abord nous faire une longue et passionnante présentation historique de cet appareil. Que je vais brièvement résumer ici.
Au début des années 1950, tenant compte de la tension due à la guerre froide, l’armée de l’Air souhaitait que soit conçu un chasseur bombardier léger, qui aurait la possibilité de décoller et d’atterrir sur de courtes pistes en herbe, dans le cas où les pistes en dur des bases aériennes seraient détruites ou très endommagées lors d’un conflit.
Voire éventuellement utiliser directement ces avions sur un champ de bataille, où ils pourraient venir en appui des forces terrestres.
La SNCASE lança alors le projet, et ce fut l’ingénieur d’origine polonaise Wsiewolod Jakimiuk qui s’y colla, et trouva le concept pour le moins original de cet avion qui allait s’appeler le Baroudeur.
Il s’agissait pour lui de décoller depuis un chariot roulant au sol, chariot largué juste au décollage, et de se poser ensuite sur trois patins rétractables placés sous le fuselage.
Wsiewolod Jakiniuk travailla en collaboration avec Georges Héreil.
Le 1er août 1953 à Istres, le pilote d’essai Pierre Maulandi effectua le premier vol du SE-5000-01. Suivra ensuite une longue série d’essais.
Si le Baroudeur volait correctement, de nombreux points restaient à corriger, notamment une grande instabilité en vol. Les réacteurs utilisés augmentèrent en puissance, passant de 2400 kgp pour le 5000-01 à 3700 kgp pour le 5003-3 (Atar 101 E).
D’importants progrès furent accomplis, l’avion parvenant à atteindre mach 1 en altitude, alors qu’il était plutôt conçu pour des opérations proches du sol.
Deux prototypes du Baroudeur furent construits, nommés SE-5000-01 et SE-5000-02.
Suivis de trois avions de présérie, les SE-5003-1; SE-5000-2 et SE-5000-3.
Un Baroudeur fut présenté au Salon du Bourget en 1955, provoquant la stupeur et l’inquiétude lorsqu’il se posa sur le ventre, le public pensant qu’il s’écrasait !
L’OTAN mit en concurrence plusieurs appareils au début de 1957, dans un concours se déroulant à Brétigny. Cette épreuve fut hélas remportée par le Fiat G.91…
Dès lors, malgré de vaines tentatives de la SNCASE, l’armée de l’Air ne retint pas le Baroudeur, et les ultimes vols eurent lieu en 1957.
Les arguments retenus étaient la complexité du chargement de l’avion sur le chariot au moyen d’un treuil, l’impossibilité au Baroudeur de se diriger et se mouvoir au sol après son atterrissage, l’usure des patins, la difficulté d’emports sous les ailes du fait d’une garde au sol insuffisante.
Et enfin, un haut gradé fit remarquer qu’après son atterrissage le Baroudeur était sale et souvent couvert de boue…
Ces cinq Baroudeurs étaient donc promis au ferraillage, et ils servirent de cibles sur le champ de tir sur la base de Cazaux.
Après de nombreux avatars, des morceaux de divers Baroudeur purent être sauvés en 1979, constituant un puzzle géant à reconstituer.
La restauration d’un appareil allait échoir à nos amis des Ailes Anciennes.
C’est à ce moment que des membres de cette association, dont leur président Jean-Jacques Cluzeau et leur vice-président René Potet (photo), prennent le relais d’Alain Rolland pour nous détailler tout ce long processus.
En 1979/1980 les divers fragments collectés arrivèrent au Bourget, et se trouvèrent souvent déplacés dans plusieurs endroits différents.
Le Musée de l’Air allait finalement mettre gracieusement à disposition un hangar à Dugny, où allait enfin pouvoir débuter la restauration.
Des parties de trois appareils différents allaient être utilisées, et même le croupion du prototype 5000-01. Avant et aile droite du 5003-1 ; aile gauche du 5003-2 et arrière du 5003-3, ce qui fait que sur le modèle restauré a été conservée son immatriculation V.
On parvint de ce fait à reconstituer un Baroudeur entier, voilà pourquoi plutôt que d’une restauration, il conviendrait de qualifier cette opération de reconstruction.
Mais, des modifications ayant été apportées d’un prototype ou avion de présérie à l’autre, ces pièces ne coïncidaient pas exactement avec le modèle en chantier !
Exemple avec les aérofreins qu’il a fallu modifier. Des bénévoles passionnés de l’association ne ménagèrent pas leurs forces pour travailler (très souvent le week-end) afin d’adapter ces pièces au modèle en restauration.
Mais manquaient aussi de nombreux éléments, qu’il a fallu fabriquer en un exemplaire unique. Le tout sans plan précis !
Les nombreux trous et impacts de balles provoqués par les tirs à Cazaux durent également être colmatés.
Un chariot fut récupéré sur la base aérienne d’Istres, lui aussi réhabilité.
Les roues d’origine ayant naturellement disparu, On utilisa pour les deux trains arrière des roues de Flamant et pour l’avant un diabolo de Caravelle.
Lentement, l’ensemble prit forme. On restaura aussi le siège éjectable jusqu’au cône arrière d’où sortait le parachute frein.
Parmi les travaux les plus récents, la verrière en bulle dut être fabriquée de toute pièce, et vient d’être posée. C’est cette pièce, qui fini l’aspect général, à laquelle l’AAMA participe au financement.
La partie arrière de la verrière est en cours de réalisation, avec déjà une forme en résine.
Quant au tableau de bord il est intact, lui aussi d’origine, mais n’a pas encore été replacé dans le cockpit.
Les patins en place et en position sortie montrent à quel point le pilote devait avoir l’impression d’atterrir sur le ventre !
La visite s’est achevée par un fort intéressant détour par l’atelier où depuis déjà de nombreuses années un vénérable Avro Lancaster est lui aussi en restauration.
Il reste encore beaucoup de travail aux valeureux bénévoles que nous n’avons pas manqué de féliciter pour leur labeur acharné, mais on peut maintenant espérer un futur transfert de ce Baroudeur qui viendrait enrichir les collections exposées au Musée de l’Air du Bourget.
Remerciements donc à Messieurs Jean-Jacques Cluzeau (président), René Potet (vice-président), Gérard Tricoche et Patrick Hudry des Ailes Anciennes, et à notre vice-président Jean-François Louis pour l’organisation de cette visite, qui a connu une seconde session le 5 avril, ainsi qu’à Alain Rolland pour sa présentation très détaillée du Baroudeur.
Eric Le Faucheur (AAMA)
Remerciement à Jean-François Louis pour les photos.
Les photos en noir et blanc des Baroudeur proviennent des Pégase n°89 & 90.
Quelques témoignages de nos membres qui participé à ces deux visites.
Louis Hadir :
Nous avons passé un excellent moment lors de notre visite du Baroudeur aux Ailes Anciennes, suivie de celle du Lancaster. Un grand merci pour vos choix et le partage de votre passion.
A la prochaine sortie !
Anonyme :
Un grand merci pour votre organisation sans faille de la visite du Baroudeur hier à Dugny et aux Ailes Anciennes pour leur accueil. J’ai pu parfaire ma connaissance de cet avion et eu grand plaisir à retrouver d’autres membres à cette occasion.
Marielle et Dominique Grouselle :
Merci à vous et à toute l’équipe, (hélas je n’ai pas retenu les noms de famille des Jean-Louis, Alain…).
Pour notre première visite nous avons été très bien accueillis et avons été très intéressés par l’histoire du Baroudeur en cours de remise en état. Visite suivie par celle du Lancaster dont l’histoire est hors du commun.
Dominique se joint à moi pour vous remercier une fois encore et bravo pour tous les détails afin de trouver l’accès.
Bien à vous.
Jean-Claude Courbet :
Brave Baroudeur.
Nous les quelques adhérents de l’AMAA t’avons rendu visite le 15 mars sur le site de Dugny dans l’espace de l’association des Ailes Anciennes et accueillis par le président Jean-Jacques Cluzeau et quelques passionnés retraités qui ont choisi de revenir à l’atelier pour remonter le temps et travailler avec dévotion et persévérance, plutôt que de se laisser mijoter dans un canapé devant une télévision avec une bière bien fraîche…
Alain Rolland, ancien président de l’AMAA, nous a révélé ton historique avec clairvoyance comme à son habitude et les personnes des Ailes Anciennes nous ont expliqué ta récupération en 1979 à Cazaux et ta remise en forme initiale toujours en cours.
Nous t’avons quitté pour une visite bonus à ton voisin emblématique et devancier le Lancaster. Une restauration qui force le respect.
Au revoir à la prochaine avec un grand merci aux amis des Ailes Anciennes.