5 ) – Les opérations en Algérie
Un an d’école, une transformation rapide sur avion à réaction, et me voilà enfin en escadre de combat, à Creil, au nord-est de Paris. Notre avion d’arme était le Mystère IIC. Je ne le savais pas encore, mais j’allais bientôt effectuer neuf cents heures de vol supplémentaires sur T-6.
Ce qu’on a appelé les événements d’Algérie ont commencé le 1er novembre 1954. La rébellion va prendre progressivement une dimension qui exige l’intervention de l’aviation. Il y a bien des escadres, en Afrique du Nord, mais ce sont des unités de combat dont l’organisation est mal adaptée aux opérations de contre-guérilla et le potentiel insuffisant pour couvrir l’ensemble du territoire.
En 1956, on décide de créer des escadrilles équipées d’appareils plus légers et moins rapides qui seront parrainées par les escadres métropolitaines ; leur avion d’arme sera le T-6 qu’on fait venir des U.S.A et qu’on va armer pour l’occasion. Il y aura ainsi un peu plus d’une vingtaine d’escadrilles de T-6 mises sur pied. Ce sont les Escadrilles d’Aviation Légère d’Appui (ou E.A.L.A). Réparties sur l’ensemble du territoire algérien, leurs zones de responsabilités s’étendent sur un rayon d’une centaine de kilomètres, aux ordres d’un Poste de Commandement Air (ou P.C. Air).
Les premiers détachements sont allé reprendre le T-6 en mains à Marrakech où ils ont effectué des exercices de tir avec des T-6D armés d’une seule mitrailleuse de capot, mais, dans les escadrilles, l’armement des T-6G se composait principalement de deux containers placés en pods sous les ailes(il n’y avait plus de mitrailleuse de capot sur nos T-6G), abritant chacun deux mitrailleuses légères (7,5 mm). Il comprenait aussi un équipement pour tirer des roquettes : soit six, ramenées plus tard à quatre rampes de lancement pour des roquettes T10 de 105 mm, soit deux paniers lance-roquettes SNEB contenant chacun, six engins de 68 mm(équipement présenté dans le hall du Musée). Plus rarement, on pouvait équiper nos appareils pour lancer des bombes légères.
Chacune des escadres parrainait, en général, deux escadrilles ; cela représentait, en matière de pilotes, les effectifs complets d’un escadron de combat. Placées sous le commandement d’un capitaine ou d’un lieutenant, ancien, elles mettaient en oeuvre une douzaine de T-6. Avec un nombre convenable de mécaniciens, elles comprenaient une dizaine de pilotes venus des escadres, renforcés par quelques rares pilotes de réserve rappelés pour l’occasion ou, au fur et à mesure que se développaient les opérations, par de jeunes pilotes qui avaient été volontaires pour effectuer leur service militaire(qui était de 27 mois, en ce temps là) comme Pilotes Elémentaire de Réserve (P.E.R). Formés rapidement à Marrakech, ils totalisaient environ 150 heures de vol en rejoignant les escadrilles. Placés sous la vigilance des pilotes d’active et grâce à l’activité aérienne très soutenue du théâtre d’opérations, ils ont acquis rapidement une bonne expérience du vol qui en fera des auxiliaires précieux. Beaucoup d’entre eux demanderont, au moment de leur démobilisation à poursuivre, après un stage de transformation réacteur effectué à Meknès, une carrière de pilote de combat. Il ne faut pas oublier, pour compléter les effectifs du personnel navigant, une petite dizaine d’aspirants ou de sous-lieutenants de réserve, formés pour être observateurs.
Les conditions d’hébergement étaient tout ce qu’il y a de plus précaires. Là où il était possible d’installer une piste d’envol, un détachement logistique, mis en place par la Région Aérienne était chargé d’organiser le cantonnement ; ce pouvait être des bâtiments en dur mais aussi des baraques en tôle ondulée, voire de simple tentes. Ces conditions vont s’améliorer avec le temps, mais le confort ne sera jamais princier.
La 10e Escadre de Chasse à laquelle j’appartenais, parrainait l’escadrille 3/72 (indicatif : « Radium »), sur le terrain d’Oujda, au Maroc et l’escadrille 6/72 (indicatif: « Ramel ») sur le terrain de Thiersville, à quelques kilomètres au sud de Mascara, dans le Sud Oranais. En 1958, la 6/72 fera mouvement sur Khenchela, à l’est du massif des Aurès. En 1960, les deux escadrilles seront regroupées dans un escadron unique, le 3/10, basé à Batna, au coeur des Aurès, Khenchela restant un détachement permanent de l’escadron. (les indicatifs avaient été conservés et on disait « Radium » pour les avions de Batna et « Ramel » pour le détachement de Khenchela).
Les décors étant plantés, quelle a été ma place dans ces opérations ? J’ai d’abord fait partie de la première relève et j’ai passé le plus clair de l’année 1957 à Thiersville, avec la 6/72 ; j’ai effectué ensuite un deuxième séjour, en 1960, au 3/10, à Batna et Khenchela.
Sur le terrain de Thiersville, outre l’escadrille 4/70 (indicatif : « Mitron ») équipée de Morane 500 qui n’entre pas dans le cadre de cet article, il y avait une escadrille parrainée par la 1ère Escadre, la 14/72 (indicatif : « Romarin »). Nous nous partagions un secteur qui allait des bords de la mer, englobait le massif de l’Ouarsenis et s‘étendait vers la ville d’Aflou, jusqu’aux confins du désert. La 14/72 dépendait du P.C. Air de Saïda et nous de celui de Mostaganem ; c’était une petite chance pour nous qui pouvions transformer les liaisons de commandement en parties de bains de mer, car la piste de Mostaganem était installée sur la plage.
Quels furent les changements que j’ai pu observer entre mon premier et mon deuxième séjour ? Outre le fait qu’on avait gratté la peinture de nos avions qui étaient maintenant de la couleur de l’aluminium, les missions étaient toujours les mêmes, mais nous volions le plus souvent en patrouilles de deux avions et nous emportions toujours des roquettes. Le comportement de l’adversaire avait changé lui aussi ; en 1957, on rencontrait des bandes importantes pouvant parfois dépasser une centaine de combattants ; en 1960, ils avaient compris que ce dispositif, en face nos moyens militaires, leur était défavorable ; ils ne se déplaçaient plus qu’en bandes de quelques guérilleros, dix, vingt, tout au plus, jamais plus de cinquante, en tout cas. (après 1961, le gros des forces du F.L.N était replié au Maroc ou en Tunisie attendant, sans avoir à s’exposer aux aléas des opérations militaires, l’évolution des événements politiques.)
Les missions qui étaient confiées aux T-6 étaient de trois sortes :
Les protections de convois.
Les reconnaissances à vue (R.A.V).
Les protections des troupes en opértions qui pouvaient se transformer en appuis feu, s’il y avait accrochage.
La protection des convois était la mission qui soulevait le moins d’enthousiasme chez les pilotes. Le convoi se formait à une certaine heure, le T-6 arrivait, prenait contact avec le chef du convoi et se mettait à tourner au-dessus des véhicules en suivant leur progression qui était celle d’une voiture roulant à faible allure sur une route de montagne. Tous les jours, il y avait un convoi qui quittait Mascara pour Oran vers 16 heures. Le T-6 l’accompagnait jusqu’à la plaine du Chélif (aujourd’hui Chlef) ; soit un peu moins de deux heures de vol. Croyezmoi, deux heures à tourner en rond sous le soleil du mois d’août en Afrique, fut-elle du Nord, c’est très long. Pour briser la monotonie de la mission il aurait fallu un petit accrochage mais, à ma connaissance, jamais un convoi protégé par un de nos petits avions jaunes n’est tombé dans une embuscade. Je peux citer, par contre, l’exemple d’un convoi strictement militaire qui s’était affranchi de la protection aérienne et qui est tombé dans un guet-apens. Décollage sur alerte de Thiersville, passage sur le convoi pour prendre contact… et l’avion reçoit une volée de balles de mitrailleuse ; deuxième avion appelé en relève… et l’avion reçoit, lui aussi une volée de balles ; stupeur du troisième avion qui reçoit l’ordre d’ouvrir le feu sur le half-track de tête dont les servants avaient été tués par une attaque à la grenade et dont la mitrailleuse, tombée aux mains des rebelles, arrosait copieusement les avions qui la survolaient.
Pour les R.A.V, nous décollions généralement avec un observateur et nous allions chercher, sur une zone définie par le P.C. Air, tous les renseignements sur les mouvements ou tous les changements de l’environnement qui pouvaient nous sembler suspects. Nous rendions compte de nos observations dans un document, appelé « misrep » (abréviation du terme anglais « mission report ») qui était transmis au P.C. Air chargé de les exploiter. D’une manière générale, les pilotes aimaient bien ces missions effectuées le plus souvent en zone montagneuse à très basse altitude. On découvrait parfois des choses étranges, comme cet homme qui marchait, tout seul, sur les hauts plateaux où il ne pousse que des touffes d’alfa. Il n’y avait pas trace de la moindre présence humaine à des kilomètres à la ronde. Il venait de nulle part pour aller n’importe où, mais il marchait sans prêter la moindre attention à l’avion qui le survolait, parfois très bas.
Enfin, il y avait les missions de protection des troupes en opérations. On appelait cela des « Pro tro sol ». Ici, l’appellation des militaires français demande une petite précision. Un militaire vêtu de bleu avec une vareuse à deux rangée de boutons, c’est un marin ; avec une seule rangée de boutons, c’est un aviateur… mais que dire lorsque ce militaire est habillé en kaki ? C’est un cavalier, s’il fait partie de l’Arme blindée ; un sapeur, s’il est du Génie ; un tringlot s’il appartient au Train des équipages et un marsouin s’il est des Troupes de marine ; sans oublier les Artilleurs, les Parachutistes, la célèbre Légion Etrangère et les Chasseurs, alpins ou à pied…je dois certainement en oublier encore quelques uns. Nous les regroupions tous sous le vocable de biffins qui, dans l’armée de terre, est le surnom que la tradition réserve à l’Infanterie métropolitaine. Quoi qu’il en soit, par les actions de gloire accomplies et par le sang versé,il ne peut être employé qu’avec reconnaissance et respect (les Grognards de l’Empereur, c’étaient eux et les Poilus de Verdun, c’étaient toujours eux). Bref, pour ces missions, nous allions protéger « nos » biffins ; car c’est une des bonnes choses que j’ai retenues de ma participation aux opérations de maintien de l’ordre : la solidarité et la confiance réciproque qui se sont établies entre nos deux armées. Ils savaient qu’à la moindre alerte, ils pouvaient compter sur l’intervention de nos appareils dans les délais les plus courts, et si nous les appelions, nous savions que nous verrions tout de suite sortir des cantonnements les automitrailleuses ou les jeeps armées pour se précipiter vers les endroits signalés.
Les opérations importantes étaient montées dans des secteurs bien déterminés. En général, les troupes constituées d’appelés du contingent, établissaient le bouclage du secteur, cependant que les unités d’active (légionnaires, parachutistes, etc.) recherchaient le contact avec les fellaghas. Mais, rien ne se faisait sans la présence de nos avions ; nous arrivions sur les lieux dés que la lumière du jour le permettait ; à ce moment là, les biffins marchaient depuis déjà plusieurs heures et leur progression allait continuer pendant encore quelques heures. Enfin, ils s’arrêtaient, pour une pause bien méritée ; mais nous, nous tournions toujours et nous allions tourner ainsi jusqu’à la tombée de la nuit. Les patrouilles étaient relevées toutes les deux heures, mais les créneaux horaires de midi à seize heures, sous le soleil de l’été, avec le moteur qui nous éclaboussait de sa chaleur en plein visage, étaient une épreuve redoutable. Nous partagions habituellement l’espace aérien avec les avions d’observation de l’A.L.A.T(Aviation Légère de l’Armée de Terre); ils connaissaient mieux que nous les unités qui étaient engagées, mais ils utilisaient des Cessna L-19 ou des Piper L-21 qui n’étaient pas armés. Notre présence rassurait nos amis mais il faut avouer que le ronronnement incessant de nos Pratt & Whitney leur donnait aussi l’envie de nous maudire. Parfois les renseignements qui avaient justifié le montage de l’opération se révélaient faux et tout ce déploiement de force n’avait servi à rien. Les fellaghas cherchaient généralement à s’évader du bouclage et quelquefois, trompant notre surveillance, ils y parvenaient, car ils étaient des adversaires de valeur ; cependant, il y avait souvent accrochage avec nos troupes et nous devions intervenir. Nos mitrailleuses légères n’avaient pas un grand pouvoir de destruction, mais elles obligeaient nos ennemis à rester sur place, camouflés, pour éviter de se faire tirer dessus. Si le combat prenait de plus grandes proportions, nous appelions la chasse lourde (Corsair, Mistral, B-26, P-47 ou Skyraider). Trop rapides pour suivre la progression des troupes sur le terrain, ils avaient besoin de nous pour les guider sur les objectifs, car nous avions suivi la bataille de bout en bout et connaissions bien les positions des deux parties.
Avec la nuit qui tombait, nous devions quitter les lieux ; demain serait un autre jour. Mais, je me souviens avec délice de ces fins de journées sur les Aurès. La chaleur torride de l’après-midi était tombée ; l’air était devenu calme ; le Chèlia(a 2331 m, le djebel Chélia est le point culminant des Aurés)et la forêt des Beni Melloul vers le nord étaient déjà plongés dans l’obscurité cependant que le désert, vers le sud-ouest, du côté de Biskra rayonnait encore d’une lumière à la fois mauve et dorée. En arrivant à Khenchela, il faisait tout à fait nuit et on devait attendre, en tournant autour du terrain que les mécaniciens mettent en place ces lampes à pétrole appelées «goose necks» (signifie«cous d’oie», car ces lampes ressemblent aux cous de ces volatiles) qui, en balisant la piste, allaient nous permettre de nous poser. Après la violence de la journée, nous vivions un instant de paix extraordinaire.
C’était cela, l’activité des T-6 en Algérie ; ici, pas de plein ciel de gloire, comme en 1917 ou de grand cirque comme en 1944, mais un travail routinier et constant. De Bône à Colomb-Béchar et de Tlemcen à Tébessa, nous étions toujours là où on avait besoin de nous.
Et moi, est-ce que j’ai quelques histoires à vous raconter qui ne soient pas celles de tous les autres ? Je n’en vois que trois. La première, qui aurait pu mal se terminer, est cette fois où mon avion a été touché ; c’était au cours de mon premier séjour où nous volions par avion isolé (à mon deuxième séjour, en patrouille, ce sont mes équipiers qui, par deux fois, ont été touchés). J’escortais une compagnie de biffins qui cherchaient des caches d’armes quand j’ai surpris un groupe de rebelles qui s’enfuyait en essayant d’échapper à l’avion. Pas de chance pour eux, je les avais vus. J’ai voulu rendre compte, mais, il n’y avait personne sur la fréquence opérationnelle ; alors, j’ai tiré sur les fellaghas ; cette fois, tout le monde était sur la fréquence, ce qui finalement revient un peu au même, car on n’arrive plus à se faire comprendre. J’ai donc fait une nouvelle passe de tir mais, cette fois ils m’attendaient et m’ont montré qu’ils savaient tirer et la rafale de mitrailleuse a truffé mon avion de points d’impacts, dont un dans le réservoir d’huile. Quand je suis rentré à Thiersville, mon T-6 ruisselait d’huile et les mécaniciens n’en croyaient pas leurs yeux. Mais mon brave Pratt & Whitney avait continué à tourner comme une horloge sans même me signaler une baisse de pression ou une augmentation de la température d’huile ; il n’en restait pourtant qu’un ou deux petits litres dans un réservoir qui en contient quarante.
Ma deuxième histoire est encore pendant mon premier séjour. Je venais de quitter le terrain et je filais vers une R.A.V dans l’Ouarsenis. Un appel sur mon poste 300(poste radio pour assurer les liaisons avec les troupes au sol) « T-6, venez à mon aide, je suis accroché par une troupe de fellaghas ». Les coordonnées m’indiquent un village à quelques kilomètres à l’est de Mascara vers lequel je me dirige aussitôt. J’apprendrai, plus tard, qu’il s’agissait d’une section de jeunes appelés qu’un adjudant amenait à l’exercice. Ils venaient d’être pris sous le feu d’individus retranchés dans une maison en terre battue dans un village et ne pouvaient plus faire un mouvement sans servir de cible. Je ne savais trop que faire, car mes seules mitrailleuses légères ne pouvaient pas grand-chose contre une construction en dur. Néanmoins, après avoir donné l’alerte à toutes les autorités susceptibles de m’entendre, j’ai commencé à envoyer quelques rafales dans la maison pour créer un climat d’insécurité propre à faire tenir tranquilles les agresseurs de nos pauvres soldats. À mon deuxième passage, j’ai remarqué qu’une petite fumée sortait du toit de chaume qui se transformait bientôt en brasier. Mes balles traceuses avaient mis le feu et, la position étant devenue intenable, les fellaghas ont dû décrocher. Je n’ai plus souvenance du bilan final de cette mésaventure, mais il y a un adjudant et une trentaine de jeunes soldats, arrivés tout juste des casernes métropolitaines qui doivent une fière chandelle au petit avion jaune qui passait par là.
Ma troisième histoire se déroule au tout début de mon deuxième séjour, au début de février 1960. Ma mission était de protéger une section du Génie qui réparait des routes, à l’ouest de Batna. Nous tournions en rond au dessus de ces braves gens depuis déjà une bonne heure et les soldats approchaient d’une grosse ferme d’où est sortie soudainement une bonne cinquantaine de fellaghas qui se sont échappés vers la vallée. Prévenu par mes soins, le lieutenant qui commandait la section me fait part de son inquiétude pour ses véhicules qui sont justement restés dans la vallée, sous la simple garde d’un caporal et cinq hommes. Nous avons donc commencé à tirer de toutes nos armes sur les rebelles qui s’enfuyaient en demandant, sur la fréquence opérationnelle, toute l’aide que les patrouilles en mission dans les parages étaient susceptibles de nous donner. La première patrouille que j’ai vue arriver sur les lieux venait d’une escadrille parrainée par la 13e Escadre, basée à Sétif et qui s’appelait : « Camara Noir », suivie de ma relève qui avait décollé de Batna, suivie à son tour par les Corsair de Télergma. Plusieurs T-6 ont été touchés par les tirs adverses, en particulier mon équipier que j’ai du renvoyer à Batna, ainsi que le leader de la patrouille Camara qui n’avait pas suivi mes conseils de prudence… Allez, mon lieutenant ! Ils sont tous sauvés, votre escouade de sapeurs et vos véhicules. Le régiment a d’ailleurs manifesté chaleureusement sa reconnaissance.
J’ai effectué mon dernier vol sur T-6 le 6 décembre 1960, et, cette fois, c’était bien le dernier.
Nous avions été recrutés, au début des années cinquante, pour nous opposer à la menace que représentaient les forces du bloc communiste. Dieu soit loué, elle ne s’est jamais concrétisée ; peut-être, finalement, notre seule présence y a-t-elle été pour quelque chose ?
Combien en ai-je passé de ces heures d’attente, sanglé dans mon Mystère (II, IV ou Super), déployé dans une aire d’alerte, en bout de piste, paré au décollage immédiat ? Je ne saurais le dire. En dehors des exercices qui étaient notre pain quotidien, je n’ai jamais intercepté qu’un Comet IV de la B.O.A.C qui transitait au-dessus du territoire français, sans plan de vol ; j’ai relevé son immatriculation et je suis rentré à Creil. Rien à voir avec la déferlante redoutée de l’aviation soviétique.
Ma guerre, à moi, elle s’est déroulée à bord de ce petit avion, fut-il jaune ou argent : le T-6.
Jean-Paul Reynaud (AAMA)
Article extrait du Pégase n°138 de septembre 2010.