Visite exclusive de l’AAMA à la soufflerie de l’ONERA à Chalais-Meudon

L’AAMA…

En novembre 2023, notre association a organisé en lien avec l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales) un Parcours Passion exceptionnel.

Notre prestation fut très appréciée et le responsable de la journée a indiqué qu’il était disposé à accueillir l’AAMA pour visiter le site de Chalais-Meudon.

… et l’ONERA

Notre vice-président Jean-François Louis, en charge de nos visites exclusives, a battu le fer pendant qu’il était chaud et grâce à son opiniâtreté ce sont 40 membres de notre association qui sont venus découvrir ce haut-lieu historique de l’aérostation, des débuts de la recherche aéronautique et, pour nous, les premiers pas du Musée de l’Air.

Nous avons eu beaucoup de chance d’accéder à trois souffleries, sachant que deux sont toujours en activité pour des programmes confidentiels, que le site n’est pas ouvert au public et que les installations seront démontées pour 2027, afin d’être transférées sur l’emplacement de l’ONERA à Palaiseau.

A remarquer, qu’en décembre 2023, l’AAMA avait eu l’opportunité de visiter une autre soufflerie historique, celle de Gustave Eiffel à Paris.


En cette belle journée ensoleillée de début du printemps, nos Amis sont arrivés progressivement, passant au PC sécurité afin d’obtenir le précieux badge.

Une fois rassemblé et avant d’être scindé en deux, le groupe a été chaleureusement accueilli par Vincent Brion, directeur du site, accompagné de Florence Bouvier, ingénieure d’essais. Vincent Brion a précisé que le site de 15 ha abrite le Département Aérodynamique, Aéroélasticité, Acoustique (DAAA) de l’ONERA, employant 135 personnes.

Les souffleries qui sont en fonctionnement peuvent couvrir des vitesses transsoniques, supersoniques et même hypersoniques. Pour des raisons de confidentialité, il nous est interdit de photographier leurs équipements.

La visite sera autant technique qu’historique, ce qui ne déplaira pas à nos membres.

Débutons par la technique avec la soufflerie S3Ch (Ch pour Chalais !). Elle a été construite à partir de 1949 sur le même modèle que celle de Modane, mais à taille plus réduite (au 1/8), puis elle fut rénovée en 1987. L’air circule en circuit fermé permettant des vitesses de Mach 0,8, voire Mach 1,2.

La chambre d’essais est certes petite, mais on apprend que la vitesse de l’air peut atteindre 250 m/s, alors que dans la chambre de tranquillisation juste avant, l’air n’est qu’à 10 m/s ! Plus curieux, ses parois hautes et basses sont légèrement déformables pour améliorer l’écoulement.

Les campagnes d’essais peuvent durer de deux à trois mois, nécessitant le travail de plusieurs ingénieurs.

Lorsqu’elle sera déménagée vers Palaiseau, elle sera modernisée et des mesures laser y seront installées.

Nos Amis ont également eu la chance de découvrir un autre type de soufflerie, celles dites à rafales. Il y en a deux sur le site et nous ne pourrons en voir qu’une seule, ce qui est déjà exceptionnel.

Déjà avant d’entrer dans le bâtiment, nos guides nous ont montré des bouteilles d’air comprimé, de 27 m3 sous 190 bars.

Une fois dans la pièce qui semble bien petite, des explications nous étaient données par plusieurs ingénieurs sur place sur la soufflerie R1Ch, pouvant effectuer des essais jusqu’à Mach 5 !

L’air comprimé passe d’abord dans un réchauffeur, l’empêchant de se liquéfier, avant de passer dans la chambre d’essais. Une sphère à vide, visible à l’extérieur, en fin de circuit peut être utilisée pour accélérer le flux.

Evidement, seules des petites pièces, ou maquettes, sont mises en test, aussi bien pour des lanceurs ou des missiles… ou par exemple, des plaques à revêtement rugueux pour des missiles furtifs.


Passons au côté historique du site, qui était déjà présent sur le parcours dans l’immense parc boisé, où nos groupes ont déambulé passant près de bâtiments centenaires, mais néanmoins intéressants, comme celui où logea le colonel Charles Renard, responsable de l’Etablissement d’Aéronautique Militaire de Chalais-Meudon.

Ce grand ingénieur est également célébré par une stèle en hommage à son travail sur le premier dirigeable à réaliser un circuit fermé en 1884 : le La France, qui fut monté dans le célèbre hangar Y, juste à côté, mais hors du site.

Nous le connaissons bien puisque la nacelle de ce navire des airs a profité de notre mécénat, afin qu’il soit restauré et exposé au Musée de l’Air.

Albert Caquot, qui créa le Musée de l’Air n’est pas en reste, puisqu’il a une allée à son nom. C’est plus que mérité car il est également à l’origine de la création de la soufflerie S1 à Chalais-Meudon, lorsqu’il était directeur technique au ministère de l’Air en 1929.

Le plus volumineux des bâtiments, qui est la marque du site, est la Grande Soufflerie S1.

A la fin du premier conflit mondial, l’aéronautique avait fait d’énormes progrès. Les industriels avaient besoin d’améliorer les connaissances de l’écoulement de l’air, en utilisant des avions grandeur nature. 

Elle fut construite de 1932 à 1934, sous la direction de l’ingénieur Antonin Lapresle (qui travailla avec Gustave Eiffel) et de l’architecte Gaston Le Marec, et elle reprenait le principe, par aspiration de l’air, mis au point par Gustave Eiffel.

Il aura fallu 7000 m3 de béton, 1000 m3 de bois et 700 tonnes de fer pour son édification.

La Grande Soufflerie était à l’origine sous la responsabilité de l’Etablissement d’Aéronautique Militaire de Chalais-Meudon.

Pendant la Seconde-Guerre-mondiale elle fut utilisée par l’occupant et épargnée par les bombardements, puis elle passa sous l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherches Aéronautiques, dénomination de 1946)

La soufflerie devenue obsolète ne fut plus utilisée à partir de 1976 et elle fut classée monument historique en l’an 2000.

Le diffuseur de la soufflerie est remarquable par la première utilisation de voiles en béton armé autoporteurs. Il est de forme elliptique mesurant 18m sur 10m et long de 40 m. Le plus surprenant c’est son épaisseur de seulement 7 cm !

L’air est aspiré par six ventilateurs à dix pales de 8 m de diamètre, permettant un écoulement dans la chambre d’essais de 180 km/h.

Au niveau du collecteur d’air, une chambre de tranquillisation de 25 m de long fut installée en 1950 afin de réduire l’influence du vent sur les tests.

Lorsque nos membres sont entrés dans la nef de ce monument, ils ont découvert avec étonnement et intérêt la présence de machines volantes. Un hélicoptère Gazelle et un Morane-Saulnier Paris !

Ils ne sont pas là par hasard et servent pour différents étalonnages, comme des sondes d’aéroélasticité, visibles sur le Paris, ou des essais de résistance aux vibrations pour la Gazelle.

Enfin, c’est l’accès au cœur de la soufflerie. On ne peut être qu’impressionné par l’immense porte d’un rouge éclatant obstruant le diffuseur. Son ouverture n’est pas coulissante mais pivotante, ce qui ce perceptible en remarquant le rail de guidage en haut de la structure et la fosse dans laquelle se déploient les deux vantaux.

Par une petite porte c’est la découverte de ce monstrueux diffuseur d’air où au fond, à 40 m, sont plus que visibles les six énormes ventilateurs qui aspirent l’air.

La chambre d’expérience, foulée par nos Amis, pouvait accueillir des avions jusqu’à 12 m d’envergure, ils pouvaient même apercevoir le plateau qui permettait d’ajuster l’angle et la hauteur des objets à tester.

Dans cet endroit devenu mythique sont passés de nombreux avions et maquettes pour différents programmes comme le Mirage III, la Caravelle, le Concorde… mais également des trains ou des voitures.

Même le dessinateur Hergé (créateur de Tintin) s’est inspiré de la Grande Soufflerie pour sa bande dessinée JO et Zette et Jocko, en inversant par erreur, détail amusant, la position de l’avion dans la soufflerie !


Mais ce n’était pas terminé. Nos Amis savaient que l’endroit avait abrité le Musée de l’Air à partir de 1921 jusqu’en 1981, mais découvrir son entrée, que très peu d’entre eux ont franchie, était émouvant.

Cerise sur le gâteau, nos deux groupes ont pénétré dans ce respectable bâtiment, qui est immense, mais qui n’aurait jamais pu recevoir autant de machines qui sont exposées de nos jours sur le site du Bourget.


Après plus de deux heures passées entre la technique et l’histoire, nos membres avant de se quitter ont conversé avec nos guides du jour, qui étaient heureux de nous avoir accueillis pour cette journée exceptionnelle, qui ne pourra certainement jamais se reproduire.

Frédéric Buczko (AAMA)

Remerciement à nos membres Jean-François Louis et Jean-Paul Maréchal pour les photos.

Retour vers les actualités de l’AAMA et du Musée.

Pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur les souffleries, des précurseurs (De Vinci ; Bernoulli…) jusqu’à nos jours, en passant par Eiffel et même les Wright !

Un document d’une conférence de Bruno Chanetz de l’ONERA en 2018. LIRE.

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